Conseils de Laurence Bouvet : Présidente du Jury 2016

Lettre aux jeunes poètes,

Bien sûr, il est difficile de donner des conseils comme d’en recevoir peut-être… Mais on peut toujours faire part de ce que l’on sait ou croit savoir, de ce que l’on fait ou plutôt de ce que l’on ressent et ensuite laisser le lecteur y puiser sa propre veine créatrice. Car il n’y a pas de règles ni de ficelles en matière de poésie. Vous êtes poètes sans l’avoir décrété tout à fait… Vous l’étiez et vous allez le devenir encore. Une vie toute (tournure poétique ?) n’est parfois pas suffisante pour épuiser la source de l’inspiration…

Ce que je sais, c’est qu’il faut beaucoup lire, écouter, regarder autour de soi et en soi… avant d’écrire. Les mots d’autres poètes, ceux des écrivains aussi, déposent quelque part dans une mémoire inconnue un espoir inconnu. Parfois ce sont des questions, parfois ce sont des réponses. Une expérience humaine, une parole universelle et fondatrice de notre humanité prennent place au cœur de l’être sensible qu’est le poète à venir.

Des images, des pensées, une idée, une émotion surgissent… ne les laisser pas passer.

Plus tard, ce soir, en rentrant chez vous, demain, vous les aurez oubliées…

Faites confiance à votre intuition.

Jetez en vrac tous ces fragments de vous sur une page, dans un carnet, dans les notes de votre téléphone, sur un ticket de métro, dans la paume de votre main… ou dans celle de votre voisin… puis rassemblez-les en une rêverie puis en un écrit, une voix, une musique, dont la forme apparaîtra au fil de l’écriture.

Il y aura quelques pertes à assumer… on ne garde pas tout ce que l’on écrit, on efface pour parfaire, on sculpte l’invisible.

Le rythme, la cadence, la répétition, la simplicité, la complexité, le choix des mots, des silences, la surprise, l’émotion partagée, la ponctuation… tout cela reste votre affaire, votre libre création qui fera votre style.

Ce que je sais, c’est qu’il faut beaucoup lire certes puis oublier. Oublier les maîtres et les icônes dont le chant résonnera toujours en nous quoiqu’il arrive.

Il faut du temps de la rivière au fleuve comme il faut travailler encore et encore après le passage lumineux de l’intuition à saisir.

Ce que je sais, c’est que viendra le temps de votre liberté où vous ne suivrez plus aucun conseil et ce jour-là peut-être alors vous vous sentirez être poète…

Laurence Bouvet.

Laurence Bouvet

Laurence Bouvet

Laurence Bouvet est née à Saint-Mandé dans le Val de Marne en 1966. Psychologue clinicienne, psychanalyste et poète, elle considère qu’écrire est d’une certaine manière oser traverser le miroir des évidences. Poète de l’intime, elle explore les sphères de la mélancolie, de la solitude, de la mort, de la folie et du désir et ne se prive pas de triturer le langage pour arriver à ses fins. Elle participe à des revues poétiques (papier et en ligne), des anthologies,  obtient le prix Arthur Rimbaud de la Société des Poètes Français en 2005, a publié deux recueils aux Editions de l’Harmattan ( Traversée obligatoire, 2009 / Unité 14, 2010 ) ainsi qu’un recueil aux Editions Bruno Doucey, 2013, « Comme si dormir ».