Cher Paul,
L’autre jour régnait soudain un silence palpable et déchirant. Tu lisais devant des élèves du lycée Jean-Jaurès de Montreuil quelques-uns de tes poèmes extraits de ton dernier livre, Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre (éditions Lanskine, 2013).
Tes textes, si humbles et clairs sur la capacité des humains à se détruire eux-mêmes, donnaient du génocide cambodgien une lecture universelle et immédiate. Nous n’étions plus juges, mais partie prenante. Nos têtes se baissaient et nos yeux s’ouvraient sur l’indicible souffrance : tu la rendais palpable et présente. Paul, tu m’as touché plus qu’aucun historien qui découpe au scalpel chaque minute de l’épouvantable calvaire. Tu as rappelé la banalité de l’horreur pour en donner un témoignage inoubliable.
Tu as ce jour-là dit également tes interrogations sur ton futur rôle de Président du Jury de Poésie en liberté. Toi qui as visité l’horreur, tu devines les innombrables cruautés que certains des poèmes, que nous recevons du monde entier, charrient vers notre plate-forme Internet. Si beaucoup de textes chantent les joies et les peines universelles, d’autres transportent l’insupportable tragédie des peuples et des humains.
Je tiens à te le dire ici : dans ta voix, j’ai senti ton écoute des humbles, des souffrants, des heureux et des vaillants.
Je t’accueille de toute mon affection : tu es cette année notre Président de Jury !
Jean-Marc Muller