Tu n’as pas choisi une gare ou un aéroport. Mais tu es en partance. Tu veux quitter ton monde aride et triste.
Tu te joins au flot immense des humains qui s’assied au bord de l’océan, sur l’immensité sableuse.
Tu es installée sur ta rudimentaire chaise, avec ta modeste valise, juste avec une robe pauvre et ta seule richesse : la vie.
Tu regardes l’horizon vaporeux qui ne laisse rien deviner de l’ailleurs, du monde qui se trouve de l’autre côté.
Tu sens à ce moment ta fragilité essentielle, ta vie exposée, l’incertitude du futur, la faiblesse qui te fait cortège depuis l’origine du monde jusqu’à la fin des temps.
Sur l’immense plage, tu es perdue dans ta solitude, livrée à l’incertitude, dépouillée de toutes les défenses ordinaires des nations ordinaires.
Il n’y a plus de société organisée, de loi respectée, de règles certaines, de familles unies, de solidarité de clan.
Le cauchemar a débuté : on n’en connaît pas la fin.
Ta valise est une trace de toi-même. D’autres l’ont perdue. Ils s’en souviennent. Des regards te suivent, te parlent en langues étrangères et avec des sourires familiers. Le voile de brume un jour se déchirera.
Des routes apparaîtront. Des villes grouilleront. Des mains se tendront. Tu pourras en saisir en marchant et trouver ta propre voie.
Il est toujours des âmes bienveillantes qui jurent fidélité et soutien et qui s’engagent.
Elles n’ont aucun autre intérêt à défendre que de conserver leur propre humanité.
Enjeu essentiel, combat décisif qui préservera leur propre voyage sur cette terre.
La loi première, la loi sacrée est d’accueillir sans poser de questions, de préparer une place à la table commune et de laisser un endroit où reposer les têtes fatiguées, blottir les petits, les plus fragiles.
Comme l’on traite l’inconnu qui supplie, l’on sera un jour traité soi-même.
Sans condition, sans exigence préalable. Sans loi autre que celle de la réciprocité de l’hospitalité.
L’hôte est à la fois celui qui accueille et celui qui est accueilli.